Maria Elena Vieira da Silva voit le jour en juin 1908 à Lisbon. Elle vit une enfance heureuses dans une famille nourrie de musique et d’arts. Ayant perdu son père très tôt, dés l’âge de 11 ans elle s’inscrit à l’Académie
de las bellas Artes de Lisbonne montrant un certain talent pour la peinture et la musique. La petite Maria aime se rendre sur la tour de Belèm ; là, sur les bords du Tage à l’endroit même d’où partit Vasco de Gama, elle s’imprègne des immenses espaces de l’estuaire et trace dans son imaginaire les lignes des voies empruntées par lui. A 16 ans, elle finit ses études des Beaux-arts, le diplôme en poche.
C’est dans l’architecture de cette ville faite de carrés et de rectangles s’imbriquant les uns dans les autres chapeautés de toits pointus, de toits en plate-forme qu’elle trouve son univers fait de mosaïque de couleurs. qui n’appartient qu’à elle. Elle vient à Paris en 1928 et prend la nationalité française en 1956.
En 1928, elle s’installe avec sa mère à Paris et suit l’enseignement des sculpteurs Bourdelle et Despiau, puis des peintres Othon Friesz, Bissière et Léger. Elle s’inscrira aussi à l’atelier de gravure que dirige Stanley Hayter. Au cours de ses études elle rencontre le monde des arts, Braque, Picasso, Duchamp, Dufy, Utrillo, Mondrian, Modigliani, Matisse et les Surréalistes.
En 1930, elle se marie avec le peintre de tendance abstraite d’origine hongroise Arpad Szenes. Ses vrais débuts artistiques ont lieu vers 1936 obtenus par des tableaux aux taches colorées s’ordonnant sur un fond neutre.
A la déclaration de la deuxième guerre mondiale, elle part avec son mari pour le Brésil; au cours de ce séjour qui durera jusqu’en 1947 elle fait la connaissance du peintre uruguayen Joachim Torres Garcia. Cette rencontre sera capitale pour elle. En effet, l’artiste uruguayen a développé un art personnel inspiré par des sources diverses dont l’abstraction géométrique. » Son art définit un langage symbolique qui se rapporte, en termes hiéroglyphiques, au mouvement graphisme-idée, suivant une conception ternaire : le domaine abstrait de la raison, symbolisé par des figures géométriques (cercles, carrés, triangles), le domaine de l’émotion (coeurs, flèches, clefs, symboles sexuels) et le domaine du matériel (la vie instinctive, végétale, animale) ». Il puise sa linguistique picturale dans les idéogrammes de différentes civilisations archaïques : aborigènes australiens, tribus africaines et bien sûr en Amérique, Aztèques et Incas. Ces signes sont intégrés, assimilés par l’artiste pour devenir les éléments d’une mythologie personnelle. Son influence sera déterminante sur son travail et elle trouvera le « style » dont elle ne se départira pas, hors du souci de l’évolution du langage, hors des modes aussi.
C’est surtout après 1945 qu’elle propose un nouvel espace: fantastique où la poésie s’écoule dans un chant étrange, apaisant et plein de fièvre. Dans cet espace sans précédent des formes impalpables le peuplent; on peut y voir au gré de sa fantaisie, une rue déroulant à l’infini des façades clignotant de mille lumières, les rayonnages d’une bibliothèque, des touffes d’herbes tremblant sur l’immensité d’une plaine ou d’un plan d’eau.
Elle a défini ses tableaux comme étant avant tout une organisation soumise aux recherches de structure et de profondeur et a réintroduit la perspective à une époque où tous les peintres l’abandonnaient. La critique d’art, Dora Vallier définit sa vision frontale comme celle d’un espace construit en fonction de l’imaginaire, point de fuite de la perspective et qui est celui du souvenir, pure projection délestée du réel. Vieira da Silva inscrit sur le tableau des réseaux de lignes enchevêtrées, évocateurs de lieux où l’on se perd : grands paysages urbains et industriels. La dernière décennie de son activité artistique est marquée par l’irruption de la lumière. La couleur blanche envahit la toile, dilatant l’espace vers quelque chose d’immatériel, Une vision unifiée de la disparité de la nature tire toutes ses ressources expressives de l’exploitation des obliques, des horizontales, des verticales, seules ou en faisceaux serrés. Les tonalités dominantes, brun-rouge, bleu foncé, parfois blanc, accentuent le caractère sensible de cette peinture qui, à l’opposé de l’art gestuel, est la lente genèse d’une nature éclatée en multiples facettes.
On retrouve la poésie du monde de Vieira da Silva dans ses tapisseries, ses vitraux (1968, Saint-Jacques de Reims) et les compositions sur papier où, surtout depuis le début des années 1970, elle se plaît à exploiter les subtilités de l’encre de Chine ou d’un mélange de tempera et de fusain.
Elle s’éteignit en 1991 à Paris. Elle n’oublia pas Lisbonne en créant la fondation Arpad Szenes-Vieira da Silva qui présente les oeuvres des deux artistes créées côte à côte depuis 1930 à Lisbonne.
En 1966, le gouvernement français lui remet le grand prix national des arts; puis elle reçoit des mains du président de la République le titre de chevalier de la Légion d’Honneur en 1979.